Attentats du 13 novembre 2015, au Stade de France

La médicalisation des événements de masse. Rôle des dispositifs d’assistance médicale privés

 

Auteurs : Steéhane Legendre MD*- Gilles BELLOMO MD* - Mathieu KESSLER IDE*- Olivier PLOIX * MD
*International Service Medical Assistance

 

 

Introduction

Au cours des dernières décennies, l'Europe a été le théâtre de plusieurs Accidents Catastrophiques à Effets Limités (ACEL) dans des stades.

  • 2 janvier 1971, à Ibrox Park, Glasgow. Mouvement de foule : 66 morts et plus de 200 blessé
  • 8 février 1981, au stade Karaiskaki au Piré Mouvement de foule : 21 morts et 55 blessés.
  • 11 mai 1985, au stade de Valley Parade, Bradford. Incendie : 56 morts et 286 blessé
  • 29 mai 1985, au stade du Heysel, Bruxelles. Affrontements suivis de panique : 39 morts et 600 blessé
  • 19 avril 1989, à Hillsborough, Sheffield. Mouvement de panique : 96 morts et 766 blessé
  • 5 mai 1992, au stade Armand Cesari, Furiani. Effondrement d'une tribune : 18 morts et 2 357 blessé
  • 19 juillet 2009, au stade vélodrome, Marseille. Effondrement d'une scène de concert : 2 morts et 8 blessé
  • Le 13 novembre 2015, le stade de France a connu deux ACEL successifs : un double attentat terroriste ET un mouvement de foule.

 Après un bref descriptif des lieux et des moyens en place, les événements vont être chronologiquement relatés, puis discutés.

 

Le stade de France

C'est le plus grand stade français, inauguré en 1998, en vue de la Coupe du Monde de football France 98.

Il s'étend sur 17 hectares, dont 4,5 pour le parvis.

Cet établissement, hors norme, est un véritable labyrinthe, aux dimensions de 320 sur 280 mètres. Il se répartit sur 6 niveaux publiques et 3 techniques, desservis par 22 passerelles, 18 escaliers monumentaux, des kilomètres de couloir, 32 d'ascenseurs, 5000 places de parkings, 160 loges (coupe ci-dessous).

La capacité d'accueil maximale est au-delà de 90.000 spectateurs, gérés par plus de 1 300 stadiers, auxquels viennent s'ajouter les agents de sécurité incendie, le personnel des buvettes, du merchandising... 



Plan du Stade de France avec les portes d’accès au Public

En accord avec la législation1, la mise en place de moyens humains et matériels de premiers secours pour des événements de plus de 1 500 personnes est obligatoire.

Plus généralement, l’assistance au public est sous la responsabilité de l’organisateur et à sa charge financière2.

Depuis son inauguration en 1998, le prestataire médical est la société International Service Medical Assistance (ISMA). Il coordonne le dispositif de secours santé au Stade de France.

 

MEDICALISATION DES STADES

Dans les années 80, un médecin urgentiste au SAMU de Paris a développé le concept de médicalisation de grandes tournées de concerts Rock(3). En 1993, devant la demande croissante de couvertures médicales demandées, la première société de médicalisation événementielle (ISMA) est créée.

Au décours d'un événement musical au Parc des Princes, le responsable de la sécurité fut interpellé par la pertinence de ce système et prit la décision d’adopter ce dispositif à l’année pour le club de football du Paris Saint-Germain. En 1998, grâce à la coupe du monde de football France 98, les dispositifs médicaux dans les stades ont été étendus aux 10 stades de la compétition et conservés sur 6 d’entre eux à l’année, sur ce même modèle (Saint-Denis, Lyon, Lens, Lille, St Etienne, Paris)4

Depuis, les schémas directeurs et les plans de secours crées à ces occasions, ont été largement éprouvés, et le Congrès 2009 de la Société Française de Médecine d’Urgence a permis de réunir les experts dans ce domaine spécifique qu’est l’organisation des rassemblements de masse. Ce Congrès a permis la rédaction de Recommandations5, la Fédération Européenne de Médicalisation Evènementielle se constituant rapidement derrière la parution de ces publications innovantes en 2012 (FEMEDE).

En 2014, SAMU et Urgences de France ont publié leurs Recommandations d’experts pour les rassemblements de foule et la gestion médicale événementielle.

Les dispositifs médicaux mis en place, selon ces textes, sont jaugés selon le nombre de spectateurs et la typologie des événements (critères de risques du tableau d’Indice Global de Risque-Recommandations Samu Urgence de France)

 

L’idée générale est de créer un véritable management médical de l’événement sous tous ses aspects par le biais de professionnels de l’urgence.

L’organigramme se décline comme suit :

  • Un manager médical (MML), qui est le Directeur ou Coordinateur médical, c'est à dire le médecin référent de la manifestation (de 25 à 30 000 spectateurs et au-delà)
  • Un médecin régulateur local (MRL) et son auxiliaire de régulation (ARM) cet échelon intervient à partir d’une affluence de 20.000 spectateurs (ou moins si risques avérés).Il traite les appels médicaux, les envois d’équipes mobiles ou volantes, les transferts de victimes et leurs évacuations, en liaison avec les services publics.
  • Un médecin par tranche de 10.000 spectateurs (poste fixe ou équipes volantes/mobiles avec 4 first aid pour se déplacer, à la demande, n’importe où sur le site)
  • Un infirmier par tranche de 10.000 jusqu'à 20.000, puis 1 infirmier tous les 20.000 spectateurs.

Le nombre de secouriste est évalué également par des tableaux de risques préventifs (DPS), en moyenne 1/1000 spectateurs.

Des coefficients correctifs sont appliqués selon les risques inhérents à l'événement.

  • Type d'événements : football / rugby / concerts / athlétisme/meetings/courses/raids...
  • Profil réactif du public : supporter / hooligans / moyenne d'âges des spectateurs.
  • Gestion des flux : zone d'attente > 2h / concentration du public...
  • Délais d'accessibilité des moyens médicaux publiques en cas de situation d'exception : urbain / zone rurale éloignée des secours publics.
  • Climatologie : tempéré / extrêmes (chaud-froid). 

En effet, selon le public attendu, la typologie des risques est différente.

Classiquement, les supporters de football vont générer plutôt de la traumatologie et des risques toxiques (alcool). La population adepte de rugby est plus festive mais à risques cardiovasculaires, l’alcool étant aussi largement répandu.

Suivant le type de musique programmée les spectateurs présentent un possible risque de prise de toxique (alcool / stupéfiants).

 

Dispositif mis en place  le 13 novembre- stade de France

Configuration : guichet fermé, sans risques spécifique, mais Plan Vigipirate en cours.

Mis en place des effectifs à 18h30.

Ouverture des portes 19h.

Moyens humains

  • 1 médecin manager, 1 médecin régulateur, 6 médecins urgentistes, 4 infirmiers et un auxiliaire de ré
  • 59 secouristes de la Croix Rouge Française participaient à la gestion de la zone publique
  • 12 secouristes de la Croix Blanche étaient positionnés en zone pelouse.

Moyens logistiques

  • 3 ambulances first aid pour le public
  • 2 ambulances pour les joueurs
  • 1 véhicule léger d’intervention médicale

Espaces médicaux

  • 13 infirmeries pour le public dont 8 médicalisées
  • 1 infirmerie pour les joueurs

 

Le déroulé de la soirée

 19:15 : La manifestation débute avec ses prises en charges classiques, ébriété, traumatologie simple.

  21:17, explosion dans le secteur Est.

  • La radio sur le réseau ‘’sécurité" annonce la recherche de pétards agricoles sur la pelouse.
  • Notion d'explosion d'une bonbonne de gaz dans une buvette, en regard de la porte D, proche de l'infirmerie ISA 34.
  • L'infirmière d'ISA 34 et son équipe de First Aid est envoyée pour évaluation, sans prendre de risques au vu des informations parcellaires.

Le MML, présent à l'infirmerie principale (IPR) est dépêché sur place, accompagné de l'infirmier logistique (ILL) muni du sac de renfort médical. La cellule de régulation envoie concomitamment, l'équipe médicale Volante 1 constituée d’un médecin et quatre first aid de la Croix-Rouge Française (CRF).

 

21:19, seconde explosion avec projections en zone nord, en regard de la porte J, confirmée par la radio "sécurité".

Très vite, la notion d'attentat est évoquée, sans aucune précision sur le fait que l'explosion soit en intérieur ou en extérieur stade.

  • Le MML et l’ILL s'arrêtent en intérieur stade, au niveau de plusieurs victimes en porte J.
  • L'équipe volant 1 est orientée par la sécurité en extérieur stade.
  • L’ISA 34 prend en charge une femme poly criblée sur la voie publique, au-delà des grilles du stade.

Des consignes de prudence sont répétées, la première notion d'un double attentat en extérieur stade est évoquée sans information sur la sécurisation de la zone.

 

21:24, demande des renforts en raison de nombreuses victimes.

  • Envoie de l’équipe médico-secouriste d'ISA 33 sur la zone Nord-Est impactée par la seconde explosion.
  • Passage en mode "dégradé" sur le reste du stade permettant l'envoi de renforts sur le secteur Nord-Est toute en assurant la gestion courante du stade sur les autres secteurs et sur l’aire de jeu.

 

21:33, bilan circonstancié du MML qui s’est rendu sur place : multiples victimes poly criblées de type UR et au moins une UA. Il s’agit d’un patient au contact du kamikaze, blasté, poly criblé.

  • La police interdit la sortie du stade, les abords n'étant pas sécurisés
  • Demande d'intervention du médicale de la part de la sécurité du stade pour la prise en charge d’autres victimes.
  • Le médecin d’ISA 37 part avec une partie de ses secouristes pour prendre en charge une victime au niveau de l'accès Nord-Est, qui sera ensuite transférée sur l'IPR.

 

21:33, demande d'intervention dans le parking P3 niveau -2, victime prise en charge par ISA 36, transportée sur IPR.

  • Les UR valides, sont orientées dans le stade, vers l’ISA 32, désignée Point de Regroupement des Victimes (PRV).

Dans l'intervalle, les moyens médicaux du services public SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente) et Brigade des sapeurs Pompiers de Paris (BSPP) se présentent sur site à l’extérieur du stade au niveau de la zone des explosions. Les équipes du SAMU font jonction avec le volant 1 et l'infirmer logistique, hors stade pour une rapide passation du bilan médical.

L’équipe médicale stade réintègre l’intérieur du stade.

 

21:37, La décision du Préfet de poursuivre le match est prise et le stade est confiné.

 

21:38, le bilan est de : 7 victimes en ISA 32.

  • L’équipe Volante 1, brancarde une UR et en rapatrie 3 autres qui peuvent marcher.
  • Le dispositif est renforcé avec l'envoi du médecin d'ISA 35 sur la zone Nord-Est.

Toujours aucune information concernant la sécurisation du périmètre (levée de doute) autour d'ISA 32 n’est reçue. Donc la décision est prise par le Manager médical de regrouper les victimes à distance dans l'IPR.

 

21:55, le bilan provisoire sur zone s'établit à 29 UR.

  • Les UR sont brancardés par les équipes secouristes de la CRF encadrées par l'équipe du prestataire médical (ISA 35 et ISA 32).
  • La requête est faite auprès du PC Police de sécuriser physiquement l'infirmerie principale.

 

21:56, explosion au Sud Est, vers le RER B, notion de victimes à terre.

  • Le médecin sentinelle du SAMU 93, confirme la troisième explosion.

 

22:00, les victimes du secteur ISA 32 finissent d'arriver à l'IPR.

  • Une demande de renforts médicaux par le médecin de l'IPR est faite étant donné l’afflux de victime. Ce besoin est aussitôt couvert par l'arrivée des médecins d'ISA 35, et 32.
  • Un tri est fait à l'IPR : les plus graves sont pris en charge dans la salle de "déchoquage", les patients à évacuer de façon prioritaire en "salle de repos" et les plus légers en "Medical 3" dit poste tiède (zone vestiaire secouriste de 80 m²).
  • Au niveau de la régulation médicale, au PCO, le flot usuel de traitement et d’orientation des appels poursuit son cours.

 

22:19, le bilan de l'IPR est de 30 victimes avec présence d'impliqués.

 

22:19, demande auprès du consortium pour mettre à disposition un local pour les impliqués.

  • Très rapidement, un local nous est attribué, il est facilement localisable et à proximité de l'IPR.
  • Le médecin de la BSPP, pré-DSM présent au PCO à chaque évènement, a rejoint l'IPR et participe à la gestion de la crise.

 

22:22, bilan de l'IPR :

  • 4 patients admis en zone déchoquage,
  • 21 au poste tiède M3.
  • Trois patients sont plus sévèrement blessé Néanmoins, ils sont stables mais nécessitent une probable prise en charge chirurgicale. Il s'agit de deux hommes avec des plaies profondes des parties molles des membres inférieurs et une femme avec des plaies abdominales.
  • Dès réception de cette information par la régulation médicale, le médecin du SAMU 93 est averti afin d'anticiper une recherche de place.
  • L'ensemble des UR restant est répertorié, regroupé pour être pris en charge : blast (acouphènes, surdité), lésion pénétrantes multiples...

 

22:25, le COS transmet un bilan de la situation extérieure : 10 UA, 20 UR et 3 décès.

 

22:27, ouverture de la salle de Crise, située à l’arrière du Poste de Commandement Opérationnel (PCO)

  • L'infirmière d'ISA 34 est détachée à ce local, avec quelques secouristes. Elle a pour consigne de gérer le flux des impliqués, d’en faire le recensement et surtout de réorienter de possibles blessés vers l'IPR.
  • Une demande est faite auprès du médecin du SAMU 93 : anticiper une mise en place de la Cellule d’Urgence Médico Psychiatrique. (CUMP)

 

22:40, la situation globale sanitaire se stabilise.

  • Le MLL, présent à l'IPR, regroupe les UR par 4, en vue de leur évacuation par les moyens associatifs prévus dans le dispositif initial.
  • Décision a été prise d'attendre l'autorisation préfectorale de sortie du stade, les patients étant stables et pris, médicalement, en charge. Ceux-ci sont identifiés et comptabilisés dans le système "Sinus" (système permettant le suivi en temps réel des victimes de catastrophes et des grands événements)
  • Le médecin du SAMU 93, organise la répartition des groupes de patients dans 6 services d'urgences : Hôpital Delafontaine (Saint Denis) / CHU Avicennes (Bobigny) / CHI A. Grégoire (Montreuil) / CHG R. Ballanger (Aulnay) / CHI Monfermeil / CH Gonesse.

Peu avant la fin du match, après avoir gérer les deux Postes Médicaux Avancés, à l’extérieurs au stade, le DSM BSPP se présente pour faire le point. À la vue de la gestion interne, il valide la prise en charge du prestataire médical privé (ISMA) et des secouristes (CRF) et se libère rapidement pour gagner le site parisien du Bataclan.

 

  • La régulation demande au MLL de libérer les secouristes non indispensables de l’IPR pour se repositionner sur le stade.
  • Au fur et à mesure, le dispositif reprend partiellement sa configuration normale, réintégration des équipes dans les infirmiers ISA 32, ISA 33 et ISA 35.

La régulation annonce une éventualité de récidive d’attentat et demande le réarmement des lots médicaux entamés par chaque équipe médicale. Les conseils à la plus grande vigilance sont réitérés sur les réseaux médico-secouristes.

 

22:53, coup de sifflet final.

 

22:57, Sur les écrans géants, une annonce neutre demande aux spectateurs de sortir du côté Sud. La sortie s'amorce dans le calme.

 

22:59, brutalement, la foule reflue massivement, tandis que le réseau sécurité parle de tirs d'armes automatiques en porte A. Le médecin d'ISA 35 confirme cette perception sonore. Ce fait ne sera pas confirmé par la suite (pétards de type agricole)

Des milliers de personnes se précipitent à l'intérieur du stade suite aux explosions et à la vue des forces de Police et de secours présentes à l’extérieur du stade.

Le consortium ordonne immédiatement l'ouverture du barriérage situé en bas des tribunes, libérant l’accès au terrain. Les spectateurs envahissent la pelouse.

 

23:06, La régulation médicale prestataire demande aux équipes de ne pas s'exposer à l’extérieur du stade.

 

23:14,

  • 9 patients sont amenés de la pelouse à l'IPR, dont des enfants qui ont été bousculés et piétiné Ils sont isolés dans la salle « de convivialité » de l'IPR.

 

23:32,

  • La plupart des patients sont dans la zone Ouest.
  • La décision est prise par le MML d'établir un second point de rassemblement des victimes dans l'infirmerie ISA 37 Ouest (2e PRV).
  • La consigne formelle de ne plus amener de victimes liées au mouvement de foule vers l'IPR, est prise par la ré Ceci, afin d’éviter un éventuel traumatisme psychologique des victimes se trouvant "confronté" aux victimes de l'explosion.
  • Avec les moyens et la coordination de la Croix Rouge, le départ des victimes du mouvement de foule s'organise. Ils seront pris en compte dans des véhicules associatifs, en circulant dans la voie de circulation intérieure du stade (VDI).
  • En ISA 37 (PRV n° 2), le médecin trie les patients nécessitant un transfert hospitalier, les autres repartent par eux-mêmes après avoir été recensé
    L'autorisation d'évacuation vers les centres hospitaliers est donnée.

 

23:54, début de la noria d'évacuation des victimes de l'attentat par les véhicules associatifs.

 

0:04,

  • Bilan avec l'infirmière ISA 34 Est, en charge des 9 impliqué Le recensement est fait: aucun ne souhaite une prise en charge psychologique, dans l'immédiat. L'information leur est délivrée de se rapprocher de leur médecin ou du centre 15 pour toute question et surtout si, secondairement, il souhaite une prise en charge psychologique.

 

1:15, le 14 novembre, les évacuations sont terminées.

Les spectateurs ont quitté le stade.

 

1:30, le consortium clôt le dispositif.

L'équipe du prestataire médical se réunit pour un débriefing à chaud, en interne.

Une dernière intervention a lieu au décours du débriefing. Le MLL gère cette dernière évacuation.

 

2:10, le dispositif médical est levé.

Le bilan final est de 103 patients pris en charge par le service médical du stade et la CRF, 35 ont été évacués dont une UA en extérieur stade, médicalisée par le SMUR 93.

  

DISCUSSION

Les attentats du 13 novembre viennent s'ajouter à la liste des "accidents" majeurs survenus au décours d'un rassemblement de masse6,7

L'analyse de ce dernier événement permet de mettre en exergue certains points.

 

  • Les délais d'intervention :

En Ile de France, le maillage des centres de secours de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris est tel que la population a accès aux premiers secours en 8 minutes maximum.8

Le 13 novembre grâce au dispositif privé et associatif, les premières victimes, les plus graves (blastés-polycriblés), au contact du second kamikaze ont été prises en charge par un médecin (urgentiste) et un infirmier (anesthésiste) et des secouristes dans un délai de 4-5 minutes.

Ce délai est optimal au vue des "10 minutes de platine".9

 

  • Les ressources en personnels médicaux compétents :

L'organisation du dispositif médical a facilité une rapide montée en puissance, au fur et à mesure de la réception des informations selon un engagement rationnel et raisonné.

Les médecins travaillant sur le site étaient tous urgentistes, réanimateurs ou anesthésistes, formés et entraînés aux situations d'exception.10

Leurs compétences médicales associées à la connaissance du site a permis de prendre en charge sans délai les patients et de les extraire d'une zone exposée vers l'infirmerie principale, en minimisant les risques victimes supplémentaires par sur-attentat.

Après avoir soigné les premières victimes, le dispositif médical a été repositionné, démontrant la réversibilité du dispositif. Ce redéploiement a permis la gestion du 2ème épisode, le mouvement de foule en fin de match et de permettre la création du nouveau PRV en ISA 37.

 

  • La gestion en autonomie :

De la prise en charge initiale jusqu'à l'évacuation des victimes, l'équipe médicale a géré à la fois :

  • l'accueil des victimes
  • la mise en place d'un point de rassemblement des impliqués
  • le "flux quotidien"
  • le mouvement de foule.

Cette gestion autonome a permis de ne pas mobiliser plus de moyens étatiques, déjà largement mobilisés par ailleurs.

L’efficience des personnels médico-secouristes a permis au DSM pompier de ne pas s'attarder sur place et ainsi de rejoindre rapidement les sites parisiens, siège des attentats les plus graves.

Ce faisant, le service médical du stade a respecté pleinement les recommandations de la SFMU :  " épargner les moyens publics et leur permettre de se recentrer sur leurs missions"

 

  • L'importance de la connaissance du site :

Le stade de France est un véritable labyrinthe ; y circuler et retrouver des victimes peut rapidement virer au casse-tête. Dans ce contexte de traumatologie de type balistique où chaque minute compte, nombre de victimes se sont dispersées. Le personnel médical est allé les prendre en charge en de multiples localisations (voie publique, parking...).

Tout événement d’allure terroriste doit être considéré́ comme multi-sites jusqu’’à preuve du contraire.6

Le transfert d'ISA 32 vers l'IPR s'est naturellement imposé, celle-ci est proche (porte N), difficile d'accès sans accréditation et facilement sécurisable. L'équipe n'a pas eu à chercher les accès, ni les ascenseurs.

Cette connaissance du site affinée au long de 17 années de pratique et de multiples exercices ACEL, représente un réel bénéfice en terme de délai de recours aux soins, et rassure aussi les patients en perdition sanitaire et géographique.

 

  • L'importance de la connaissance des partenaires :

La régulation médicale du service Secours Santé est localisée dans le poste de commandement opérationnel (PCO). Dans la même pièce, sont positionnés, la coordination des associations secouristes, le médecin sentinelle du SAMU 93 avec son auxiliaire, le pré COS et pré DSM de la BSPP. La régulation médicale est en contact visuel et radio avec le responsable du consortium, le PC police, et la préfecture.

Les associations de secourisme : Le partenariat avec la Croix-Rouge Française et la Croix-Blanche est primordial. Ils sont le socle du dispositif secours-santé.

Le 13 novembre, la gestion des UR dans les postes médicaux leur a été transitoirement "déléguée". (Les membres du prestataire médical soignant les UA)
Toute demande autre a été prise en charge initialement par les secouristes avec le passage d’un bilan à la régulation médicale.  Les norias internes et les évacuations de patient ont été organisées, coordonnées conjointement.

 

SAMU 93

Sur un événement de ce type la présence d'un médecin sentinelle du SAMU, compétent territorialement, trouve toute sa signification. Au PCO, il peut suivre en direct, en continu, l'évolution via le transit radio du prestataire médical et associatif.

La recherche de places est faite au fur et à mesure de l'actualisation des bilans. Dès l'autorisation d'évacuation donnée, la noria s'est mise en route, chacun ayant déjà sa destination.

Les patients ont été répartis harmonieusement sur plus de 6 services d'urgences afin de ne pas créer de surcharge des flux locaux.

 

Consortium Stade de France (gestionnaire du stade)

C'est par la coordination de son service de sécurité que les demandes d’interventions parviennent à la régulation médicale.

Leur réactivité pour solutionner les problèmes d'accès lors du transfert des patients, la rapidité à nous mettre à disposition une salle pour les impliqués, ont été très professionnelles. Là encore, la connaissance et la confiance mutuelle facilitent la bonne gestion du dispositif.

Enfin, la célérité à ordonner le déblocage des accès pelouse lors du mouvement de foule a évité un nombre considérable de sur-accidents. Cette décision a probablement été un des élément clé de la gestion du reflux du public.

 

Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP)

La présence de la BSPP, a permis une gestion instantanée et un parfait dimensionnement des moyens nécessaires. Les demandes de moyens d'évacuation ont été évaluées en fonction du nombre réel de victimes et non comme c'est souvent le cas, suite à des appels approximatifs de témoins.

La gestion des victimes en interne a permis de laisser les secours publics disponibles pour la gestion des victimes en extérieur stade.

La brigade, riche de ses expériences de prise en charge de multiples victimes, a fait le recensement des victimes (système SINUS de recensement et suivie des victimes dans les grands rassemblements).

 

PC Police

La proximité géographique du PC police a permis d'avoir rapidement des informations fiables.

Dans ce contexte de crise, la coopération habituelle, la proximité et la connaissance réciproque ont facilité les demandes spécifiques, comme celle de mobiliser une équipe pour sécuriser l'infirmerie principale.

 

Rôle primordial des communications :

Les communications représentent un des facteurs aggravants techniques de la gestion de crise. Dans une structure de béton et d'acier tel le stade de France, tous les systèmes de communication ne sont pas efficients. Le réseau GSM est souvent saturé lors des événements même en dehors de tout incident.

C'est pourquoi, il est impératif de disposer d'un réseau de qualité (radio, relais...). Ce d'autant plus que les services de secours publics modifient leur système de communication dont la couverture n'est pas encore complète.11

Le personnel doit être rompu à l'usage de ce matériel, mais aussi à la qualité des messages transmis. Les messages doivent être brefs, concis, synthétiques et surtout s’effectuer en vertical. La parfaite connaissance des procédures radio est un prérequis indispensable.

 

 

CONCLUSION

Les attentats du 13 novembre ont été d'une ampleur, jusque-là, inégalée. La gestion en interne des ACEL du stade de France vient conforter la nécessité de disposer d’un schéma directeur des secours médicaux, en concordance avec les enseignements de gestion de crise10 et l’expérience acquise en ce domaine ces dernières années.12

L’intérêt d’une complémentarité entre le modèle public et privé, par le biais d’une interface dans le PCO, est maintenant un acquis qui mériterait d’être généralisé.

Il reste à appliquer au quotidien les recommandations de Samu Urgence de France (médecins) en complément du dispositif préventif de secours (secouristes) ce qui n’est pas systématique à ce jour.

Il convient de tirer les enseignements de cet événement qui s’est déroulé dans un climat général de catastrophe au niveau de l'Ile-de-France, la majorité des moyens de secours étant accaparés par les attentats de Paris intramuros.

 

BIBLIOGRAPHIE

  1. Arrêté́ National du 7 novembre 2006, fixant le référentiel national relatif aux dispositifs prévisionnels de secours(DPS) –NORINTE 0600910A
  2. Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité -Loi -95-73 du 21 janvier 1995.
  3. Organisation médicale des grands concerts- N.Gorodetzky-JEUR 1989, 2, 233-242
  4. Organisation médicale dans les stades de la Coupe du Monde de Football 1998-N.Gorodetzky - JEUR, 2000, 13, 117-125
  5. Recommandation SFMU. Rassemblements de foule et gestion médicale événementielle. Juin 2010 - Urgences et situations d’exception - Journées scientifiques de la Societé Française de Medecine d’Urgence 2009 - SFEM Editions
  6. Gestion initiale d'un évènement a victimes multiples. Nahon M, Carli P. Congrès SFMU 2012, chapitre 59.
  7. Martin Hirsch, Pierre Carli-The medical response to multisite terrorist attack in Paris. www.thelancet.com. Published on Line November 24, 2015
  8. Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris. Les feux d'habitation à Paris. Ministère du logement, www.territoires.gouv.fr
  9. Wounded in action: the platinum ten minutes and the golden hour. Daban JL, Falzone E, Boutonnet M, Peigne V, Lenoir B. Soins. 2014 Sept ;(788):14-5.
  10. D.U. Gestion de crise et sécurité intérieure. 28 mars 2013. LCN copyright.
  11. Projet de loi de finance pour 2015 : sécurités (sécurité civile). C) Le réseau Antares : la priorité à accorder à la couverture de l'ensemble du territoire nationale. sénat.fr 10 décembre 2015.
  12. Management médical et sécurité dans les stades - Nicolas Gorodetzky JEUR- 1994, 2, 78-87